Benoit Poelvoorde, un Boulet ? Ne pas se fier au surnom de son personnage dans le film d'Alain Berbérian et Frédéric Forestier. L'acteur le plus célèbre de Belgique fait preuve une fois de plus de son immense talent, dynamite un film au scénario laborieux.
Une nouvelle preuve après "Les portes de la Gloire" que cette homme-là possède un charisme et une puissance comique sans équivalent, capable de transcender et transformer un film très moyen en long-métrage hilarant. Rencontre avec, il faut bien l'avouer, l'un des acteurs préférés de la rédac' ...
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Après plusieurs "petits" films ("Les portes de la gloire", "C'est arrivé près de chez vous" ...), "Le Boulet" est votre premier rôle dans une super-production...
Benoit Poelvoorde : j'étais étonné qu'on me le propose. Ca sentait le gros film très cher dans lequel il allait y avoir des grosses pointures.
J'ai même eu une angoisse par rapport à ça. Un grenre cinématographique que je ne connais pas. Après, comme on a travaille en amont, mon angoisse est allée..crescendo ! (rires) Sérieusement, ce genre de film répond à des critères de cinéma très particuliers qu'il faut jouer de façon très particulière et comme dirait un comédien chevronné, il faut trouver la musique qui va avec l'instrument.
Et comme je suis un petit instrument au sein d'un gros orchestre, je devrais jouer un peu fort .Moi qui ai participé au plus petit budget du cinéma belge ("C'est arrivé près de chez vous"), je suis désormais le belge qui a joué dans la plus grosse production française - avec un belge, j'entends ! Tout ça pour dire que c'est la première fois que je fais un rôle bien payé (rires).
Comment devient-on Le Boulet ?
Benoit Poelvoorde : j'étais sur le tournage des Portes de la gloire produit par Frédérique Dumas, laquelle m'a donné un scénario que lui avait remis Thomas Langmann au hasard d'une rencontre dans le Thalys. Thomas lui avait dit : "il ne lira sans doute pas mais donne lui toujours .Si c'est toi qui lui remet en main propre." A la fin du tournage des "Portes de la gloire" je l'ai lu et appelé tout de suite pour lui dire que je trouvais le script très drôle. Lui et Berberian n'en revenaient pas : je sais car je les ai entendus hurler comme des gorets (rires). Je savais surtout que j'avais mis le pied dans un engrenage maudit.
Saviez-vous qui jouerait Moltès ?
Benoit Poelvoorde : non, je ne savais même pas quel rôle allait m'être confié. J'aurais pu par déduction : ce n'était pas le méchant, le Turc, n'ayant justement pas les attributs d'un Turc ; je me doutais bien que je ne correspondais pas non plus au costaud qui distribue des gifles. Il ne me restait plus que le boulet, à moins que Thomas Langmann eût la grossierté de m'offrir le rôle de Jean Benguigui...
Suite à vos précédents film où vos personnages étaient charismatiques et tenaient une place de choix, vous avez travaillé en tandem...
Benoit Poelvoorde : un tandem est comparable comme une cession de jazz (j'en ai fait dix ans : saxo alto et contrebasse), on a du plaisir a jouer que si les musiciens sont dans le même rythme que vous. Sur un plateau de cinéma, c'est la même chose : le rythme est donné par les deux ou trois acteurs selon que c'est une petite ou une grosse cession. Et Gerard Lanvin a un swing naturel. C'était comme un professeur :il tempérait mon jeu, me renvoyait la balle ..
Ce n'est qu'en répétant avec lui que mon jeu prenait forme : Gérard ne se remplace pas, il faut que ce soit lui qui donne la réplique. Sinon , les répétitions ne servent à rien. Même constat avec José (Garcia - NDLR). De Niro (je connais très bien Bob) a dit qu'il devait être devant l'obstacle pour commencer à trouver des solutions. C'est exactement ça: on a commencé à jouer des trucs,on se dit que ça va pas être possible .Car parfois, il y a "over-simulation" chez le comédien : il doit faire passer trois infos et trois actions en même temps. Et l'avantage avec Gérard, c'est qu'il a un truc naturel qui fait sauter les obstacles. Il met à l'aise.
A part le cachet, quels changements avez-vous perçu ?
Benoit Poelvoorde : le stress, incontestablement. Ca peut paraître paradoxal, mais au sein d'une telle entreprise, il existe moins de libertés. Les gens savent exactement ce qu'ils veulent. Normal : ceux qui ont mis de l'argent veulent voir le résultat de ce qu'ils ont rêvé. Il y a donc moins de latitude pour improviser. Mais c'est normal. Et comme j'ai rencontré des interlocuteurs intelligents, j'ai compris qu'ils ne voulaient que le bien du film : ils étaient très à l'écoute de mes avis et moi des leurs.
Reggio est un type de personnage que vous n'avez encore jamais joué. Quel était le plus difficile ?
Benoit Poelvoorde : il fallait le jouer au dessus, surjouer au poil. Or ,n'étant pas le prototype de la finesse, il ne faut pas me pousser pour jouer au-dessus. Et c'était ça le plus dur :trouver l'équilibre. Car les situations sont écrites de telle manière qu'il faut un tantinet les exagérer, sinon ça paraît fade. C'est taillé pour faire rire. J'avais même peur d'être too much. Imaginez que moi, Benoît Poelvoorde, on me demandait parfois de refaire une prise parce que j'étais trop réaliste !
Vous avez un peu réécrit vos dialogues ...
Benoit Poelvoorde : oui, avec Gérard et José aussi. Juste ce qu'il faut pour que ce soit à notre main. Mais en aucun cas, on a touché à la structure de scénario qui est calibré de façon à ce que tout s'enchaîne. Mais pour revenir à la problématique du jeu, il fallait faire un personnage plausible et en même temps dans les rouages de la comédie d'action. C'est comme Pierre Richard ! Le génie de ce mec ou de Louis de Funès, c'est que quand vous les voyez sur un écran, vous ne savez pas si leurs personnages peuvent exister en vrai, mais vous vous en fichez complètement car ils sont crédibles au sein d'une comédie.
Avez vous pris du muscle ou perdu du poids après ce tournage très physique ?
Benoit Poelvoorde : voulez-vous que nous abordions les problèmes de poids de José Garcia ? Est-ce là l'angle que vous voulez attaquer ? Non , mais vous rigolez ? Evidemment que je n'ai pas pris de muscle ! C'est l'inverse ! José et Gérard allaient tous les jours s'entraîner, tandis que moi je mangeais comme un chancre. L'alimentation au Maroc n'étant pas mon alimentation traditionnelle, je me suis rué sur les sucreries et choses grasses.
Le Boulet est votre premier film comportant des scènes d'action...
Benoit Poelvoorde : les scènes d'action demandent une grande exigence. La scène finale représente neuf jours de tournage. Ce qui signifie que pendant neuf jours je hurle : "attention ! Fous lui dans la gueule". C'est la seule réplique que j'ai dans cette scène. Et pour ce genre de choses, faut avoir de l'énergie ! Moi, je suis plutôt un acteur de la deuxième prise : la première, tu déconnes, elle est pas bonne ; la seconde, tu te concentres un peu et c'est bon, après tu feras différent mais pas mieux. Là ,dans la scène de flingage, c'est cinquante prises le premier jour, cinquante le deuxième etc...Si je n'ai pas fait la prise de catch 150 fois, je ne l'ai pas fait une fois !
Ce que côté répétitif ne vous a pas donné envie de ne plus faire de films au budget conséquent ?
Benoit Poelvoorde : au contraire. J'ai beaucoup apprécié l'accueil dans les hôtels, les cantines..Ah ! les restaurants, je ne parle pas du Maroc hein, mais de Paris. Ca va me manquer : ces buffets, cette profusion de mets .Et puis on est bien reçu, on a de beaux vêtements. Si le film marche ,je continuerais de bien manger, bien m'habiller et on me vouvoiera dans les hôtels. Si le film se gaufre, je retourne au super 16 et fissa !! (rires)
C'est faux, car en ce moment, vous développez un projet comme réalisateur ...
Benoit Poelvoorde : on a abordé le budget, et ça ne sent pas le gros pognon. L'envie de réaliser m'est venue après "Les portes de la gloire" : une espèce de frustration à co-écrire, savoir ce qu'on veut voir et ne pas l'avoir.
Sans prétention aucune : on a envie de tout faire soi-même. Sans compter qu'on finit par avoir un certain poids et on nous demande toujours notre avis. Et à force de le donner, on s'implique et on veut aller jusqu'au bout...